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13 Avr

Se réadapter à la vie à terre après 89 jours en mer

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Presque deux mois après son retour aux Sables d’Olonne, Jérémie Beyou le confie lui-même : il n’a pas encore entièrement récupéré physiquement et psychologiquement de ses presque trois mois en mer. Alimentation, sommeil, activité physique, vie sociale, le skipper de Charal explique comment il se réadapte à la « vie normale. »

Au bout du fil, la voix est toujours tonique, mais trahit tout de même une fatigue, légèrement perceptible. Revenu aux Sables d’Olonne le 6 février dernier après presque 90 jours d’un Vendée Globe éprouvant physiquement et nerveusement, Jérémie Beyou savait par expérience qu’il lui faudrait du temps pour se remettre- on dit souvent que un jour de course en mer nécessite un jour de repos à terre. Et il le reconnait, il a encore besoin de quelques semaines pour se régénérer, d’autant que l’immédiat après-Vendée Globe a été plutôt animé.

 

Reprendre le sport tranquillement

« J’ai embrayé d’entrée sur des activités sportives, parce que j’en avais besoin : je me suis remis au vélo et je suis parti faire de la randonnée en montagne lors de deux séjours, en famille avec les garçons et avec Alicia (sa compagne). Dans le même temps, j’ai travaillé sur la préparation de la saison avec Charal. Donc j’ai réussi à bien m’aérer la tête, mais je suis resté très connecté avec l’équipe, toute cette période a été très intense. »

Mordu de sport, Jérémie est donc rapidement remonté sur un vélo, mais a vite compris que la condition n’allait pas revenir en un claquement de doigts : « La première sortie a été abominable, parce que quand tu reviens du Vendée Globe, tu n’as plus de muscles dans les cuisses et dans les mollets. J’ai fait 10 kilomètres, j’ai dû faire demi-tour, parce que si j’allais plus loin, je n’allais pas réussir à rentrer à la maison ! Ce qui est compliqué dans notre sport, c’est que dès que tu vas un peu longtemps en mer, comme tu es souvent en position assise, tu perds inévitablement de la musculature, comme quelqu’un qui est alité plusieurs jours. C’est pareil en cardio, tu fais parfois des efforts violents, mais ponctuellement, donc tu es globalement moins sollicité. Ce qui fait que quand tu reviens à terre, tu reprends tout de zéro. »

Si la reprise de la préparation physique en vue de la saison Imoca, dont le sommet sera la Transat Jacques Vabre en novembre, est prévue en avril, Jérémie ne veut du coup pas se précipiter : « Pour l’instant, je préfère rester sur du ludique, donc du vélo et un peu de kite, je remettrai sans doute bientôt à l’eau mon Moth à foil. »

Manger, dormir, normalement

A son retour aux Sables d’Olonne, il confiait ainsi avoir perdu près de dix kilos, qu’il a, de son propre aveu, vite repris : « Quand tu reviens, tu te fais plaisir, mais tu vois que tu ne peux pas manger n’importe quoi, parce que tu reprends vite du poids. Je suis quasiment monté à 80 kilos, donc rapidement, j’ai repris une alimentation équilibrée, à base de salades, de légumes, de variétés de viandes et de poissons, ce qui m’a permis de reperdre du poids, je suis aujourd’hui à 76 kilos. C’est important, parce que ça permet de mieux dormir. » – sommeil qui a été perturbé pendant près de 90 jours de course avec un rythme haché – « Je n’ai pas encore trouvé un sommeil qualitatif et récupérateur, je me réveille souvent la nuit, je bouge beaucoup, je me lève très tôt, je fais de toutes petites nuits. C’est peut-être parce que j’ai fait pas mal de sport et comme j’avais envie de reprendre vite une activité, j’ai zappé la phase cryothérapie qui, en général, me réussit bien pour réguler mes nuits. Comme ton corps reste longtemps en résistance après un exercice tel que le Vendée Globe, une cure de cryothérapie fait qu’au bout de cinq-six séances, il finit par lâcher, la température baisse, ça libère l’endorphine et tu arrives à réguler ton sommeil. Je pense que c’est le moment pour moi d’aller me mettre dans le congélateur (rires) ! »

Que ce soit avec le Charal Sailing Team ou avec ses proches, le retour à terre a, là encore, nécessité un temps d’adaptation. « Retrouver une vie de terrien après 3 mois en mer est un peu difficile, tu sors d’un truc extrême, en solitaire, donc quand tu rentres chez toi, il faut s’accorder avec les autres qui, pendant ton absence, ont continuer leur vie, leurs activités et, aussi vécu le Vendée Globe intensément. Il faut donc réapprendre les gestes du quotidien envers eux. »

La fatigue a aussi joué quand il a fallu retrouver le chemin du bureau et des réunions avec le Charal Sailing Team, notamment Jérémie explique qu’il n’est pas simple de rester concentrer. Après 89 jours en mer à être constamment en mouvement, en train de vérifier les voiles, préparer la navigation, le retour sur les bancs de l’école n’est pas toujours simple. « Je suis mauvais élève : au bout de 45 minutes, je décroche !, sourit le skipper de Charal. C’est compliqué de garder la concentration, mais j’ai bien conscience que je ne suis pas le seul. On a tous vécu très fort pendant ce Vendée Globe, qui a été dur pour tout le monde. On a vite embrayé derrière pour organiser la suite, donc on doit faire attention les uns aux autres pour ne pas se cramer d’entrée de jeu sur cette nouvelle campagne. Tout le monde a besoin de se régénérer après une telle aventure. »

D’autant que la nouvelle année qui démarre s’annonce tout aussi intense. « Maintenant, je vais déjà me concentrer sur cette saison 2021, avec une Jacques Vabre sur laquelle on a une petite envie de revanche avec Charal puis la Route du Rhum en 2022.»