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19 Juin

Un parcours en trois grands tronçons, des difficultés partout

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Simple dans son concept, le parcours du Vendée Globe est semé de multiples embûches, décryptées par Christopher Pratt, qui assiste Jérémie Beyou dans la préparation météo.

Des Sables d’Olonne au Grand Sud

Le golfe de Gascogne : « Par rapport aux transats que nous avons l’habitude de courir, le départ est situé plus au sud, aux Sables d’Olonne, ce qui permet de « dégolfer » (sortir du golfe de Gascogne) plus vite, avec moins d’options : on constate que de moins en moins de skippers vont chercher un ou deux fronts vers l’ouest avant de plonger vers les alizés. Avec la vitesse des nouveaux bateaux au reaching (vent de travers), la plupart préfèrent gagner rapidement dans le sud pour rejoindre la partie sud de l’anticyclone des Açores et les alizés. »

Les alizés de l’hémisphère Nord : « On a souvent tendance à croire que les alizés sont faciles, pas du tout, surtout en solitaire, parce que ce sont des vents souvent irréguliers en force et en direction, avec une possibilité de mer très courte, donc casse-bateau. Sans compter qu’il faut gérer la traversée des îles et leurs dévents, Madère, les Canaries, le Cap Vert. Et comme c’est le début de course, tout le monde cherche à se positionner à l’avant, tout en essayant de ne pas trop tirer sur le matériel, ce n’est pas évident de trouver le bon tempo. »

Le Pot-au-noir : « La zone intertropicale de convergence des alizés des hémisphères Nord et Sud, juste au-dessus de l’équateur, est redoutée des marins car très aléatoire à cette période de l’année, entre grains violents et « pétole » (absence totale de vent). Nous l’avons vécu à nos dépens sur la Transat Jacques Vabre 2019 avec Jérémie en y restant bloqués trois jours. Aujourd’hui, on dispose d’images satellites quasiment en « live », toutes les quinze minutes, qui permettent de voir les nuages, ça reste quand même une zone très dure à modéliser, avec une bonne part d’incertitude. C’est stressant, parce que tu sais que tu peux perdre beaucoup. »

Les alizés de l’hémisphère Sud : « La ligne droite bâbord amure au travers (vent qui vient de la gauche) entre l’équateur et Rio est un moment privilégié, parce que pendant quelques jours, les conditions sont stables, il fait chaud mais avec de l’air, le bateau avance tout seul. Maintenant, avec les nouveaux foilers, comme les vitesses sont bien plus élevées, proches de 25 nœuds de moyenne à fond sur les foils, ce n’est pas très confortable à vivre. Et c’est un bord pendant lequel tout le monde va appuyer sur le champignon parce que le premier qui part avec une dépression au sud du Brésil peut prendre un système météo d’avance. C’est pour ça que dans le design des bateaux, ce moment a été identifié comme décisif, c’est important d’avoir un bateau rapide au reaching pour faire le break. »

 

Le grand Sud

L’entrée dans le grand Sud : « Le grand Sud commence avec la fin du contournement par l’ouest de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Aujourd’hui, comme les bateaux vont de plus en plus vite, on peut avoir tendance à prendre moins de risques et à ne pas tenter de « couper le fromage » dans l’anticyclone, quitte à faire plus de route. L’objectif est de se positionner à l’avant d’une dépression qui suit une trajectoire ouest-est. Il y a quatre ans, Armel Le Cléac’h et Alex Thomson étaient partis avec cette première dépression, ce qui leur avait permis de prendre un système météo d’avance. Pour ceux qui ratent le train, la facture peut être salée, de 600 à 800 milles. L’entrée dans les quarantièmes est difficile, parce qu’il faut supporter des vitesses très élevées pendant une dizaine de jours avec des températures qui chutent. C’est souvent entre l’Amérique du Sud et le cap de Bonne-Espérance que les records de vitesse sont battus. »

L’Indien et Pacifique : « Le Sud, c’est un enchaînement de dépressions, avec une navigation majoritairement au portant. Jusqu’ici, on n’a jamais vraiment « foilé » dans ces zones-là. La nouvelle génération étant la première construite réellement autour des foils, ça va être intéressant de voir comment chacun va gérer le niveau d’attaque et d’utilisation des foils, l’état de la mer étant le facteur limitant. L’autre élément clé est la zone interdite des glaces qui limite beaucoup la manière de naviguer : les routes peuvent être très proches de la limite des glaces (plus on en est proche, moins on fait de route) avec beaucoup d’empannages tout au long. L’Indien est un océan dans lequel les dépressions sont plus jeunes, donc plus méchantes, le Pacifique est un peu différent, on peut y trouver plus de zones de calmes, même si ça reste très relatif. Sa sortie peut en revanche être critique, parce que le passage entre le Cap Horn et la zone des glaces est étroit, ce qui fait que les dépressions s’y engouffrent. »

 

Du Horn aux Sables d’Olonne

Le passage du cap Horn : « Le Horn est toujours un soulagement, tu sors d’un tunnel d’une trentaine de jours à haute vitesse dans des contrées hyper hostiles. Ce soulagement est surtout lié à la sécurité, parce que tu sais que dans le Sud, tu es tout seul et que personne, ou presque, ne peut venir te chercher, donc quelque part quand tu franchis le Horn, tu termines la partie aventure. »

La remontée de l’Atlantique Sud : « Pour autant, il ne faut pas se relâcher car la transition entre les conditions australes et le régime d’alizés de l’hémisphère Sud le long des côtes sud-américaines est très complexe, avec beaucoup de près, un vent qui change beaucoup, une situation météo qui évolue très vite, cela implique beaucoup de changements de voiles, alors que bateau et bonhomme sont fatigués. C’est une zone qui peut être propice aux coups tactiques. Le relâchement intervient une fois de nouveau dans les alizés de sud-est. »

L’Atlantique Nord : « Après l’équateur, tu retrouves le Pot-au-noir, mais à ce moment de l’année, il est souvent moins actif qu’en novembre. Après, le dernier obstacle est l’anticyclone des Açores que, souvent, les bateaux contournent par l’ouest, parfois en montant très nord, jusqu’en Irlande. Il peut y avoir des effets d’accordéon, des retournements de situation, mais souvent, comme dans une régate entre trois bouées, celui qui est devant arrive à contrôler ses adversaires en se mettant entre eux et l’arrivée, ce n’est pas évident de le doubler. »