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01 Mar

Réussir à cohabiter en mer

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Après une année 2018 tournée vers la course en solitaire, Jérémie Beyou va aussi passer du temps en double en 2019, entre la Sardinha Cup sur le tout nouveau Figaro Bénéteau 3 (26 mars-13 avril), qu’il prépare avec le Britannique Alan Roberts, et la Transat Jacques Vabre en IMOCA 60, pour laquelle il annoncera son co-skipper prochainement. Le Finistérien nous donne les clés de la réussite de la navigation à deux.

 

De l’absolue nécessité de bien choisir son co-skipper

Transat AG2R, Transat Jacques-Vabre, Barcelona World Race, Jérémie Beyou en connaît un rayon niveau double et il a des critères bien en tête pour choisir son co-skipper : « Mon critère propriétaire, c’est que mon coéquipier soit capable de faire marcher le bateau aussi bien que moi en solitaire. D’autres voudront un très bon régleur ou un dieu en météo, moi, je veux quelqu’un en qui je puisse avoir 100% confiance quand je ne suis pas sur le pont. Le double, c’est la plupart du temps deux solitaires qui se succèdent. » L’autre critère majeur semble couler de source : « Il faut bien s’entendre. Une course comme la Transat Jacques Vabre par exemple, c’est une quinzaine de jours en mer, mais il y a toute une préparation en amont qui implique de vivre ensemble. S’il n’y a pas de relationnel avec le coéquipier, c’est difficile. » Pour la Sardinha Cup, le skipper de Charal a ainsi choisi d’héberger dans sa maison de Larmor-Plage le Britannique Alan Roberts pour accélérer la cohésion : « On vit ensemble, on partage tout, ça aide à forger le tandem. » Un Alan Roberts qu’il a en l’occurrence choisi pour des motivations un peu plus spécifiques que d’habitude. « La raison est technique : je voulais un coureur qui m’aide à comprendre le Figaro 3 le plus vite possible. Alan a un gros background en dériveur, il a la culture du détail et depuis quelques années, il vit, il dort et il mange Figaro, il a plein de bonnes idées. »

 

Tous égaux ? Pas tout à fait…

La navigation en double a un avantage indéniable aux yeux de Jérémie Beyou : elle permet la confrontation des points de vue et donc de progresser. « C’est toujours enrichissant d’apprendre des expériences de l’autre, d’avoir un œil extérieur qui va mettre le doigt sur des choses qui ne te sautent plus aux yeux ou sur lesquelles tu ne t’es fait un point de vue définitif, alors qu’elles vaudraient peut-être le coup d’être rediscutées. C’est une remise en question salutaire. » Qui doit cependant rester dans un cadre : « C’est important que ton binôme adhère au projet dans sa globalité et à l’équipe en place. C’est bien d’avoir quelqu’un qui amène des idées différentes, mais il faut qu’il comprenne et respecte ce qui a déjà été fait. » Et à bord, le skipper reste le patron : « Quand on est un peu dans le gris, ce qui est souvent le cas en voile où c’est rarement tout blanc ou tout noir, c’est au skipper de trancher. Il est aussi le garant du projet dans sa continuité. Par exemple cette année, la Jacques Vabre est une étape vers le Vendée Globe, il y a des décisions que je dois prendre seul, avec le tour du monde en arrière-pensée », explique Jérémie.

 

Pas forcément plus facile à deux que tout seul…

Prendre des décisions, endurer des dépressions, manœuvrer et réparer seul, la course au large en solitaire charrie des notions d’engagement extrême que vont justement chercher les skippers qui se lancent, comme Jérémie Beyou, sur des campagnes de Vendée Globe. Pour autant, ce dernier estime que le fait de se retrouver à deux à bord n’est pas forcément plus facile à endurer : « Personnellement, je trouve que le double est plus dur. D’abord parce c’est plus intense au niveau du rythme parce que tu pousses plus sur le bateau, tu as tendance à être plus offensif sur les changements de voile et à manœuvrer davantage. Ensuite, parce qu’il faut se faire à l’autre, ce qui n’est pas évident, même quand tu le connais bien. Par exemple, quand les deux sont fatigués il faut réussir à se caler, déterminer lequel est le plus en forme, le plus lucide. Le double nécessite d’être à l’écoute de soi-même et de l’autre, l’exercice est plus complexe. » Parole de solitaire…