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23 Juil

Les voiles, un moteur à facettes

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Dès le premier jour de conception de l’IMOCA Charal, Jérémie Beyou a réuni les experts de la voilerie North Sails pour un travail collaboratif et ambitieux : doter le bateau du meilleur des moteurs.

Oui, il y a bien deux moteurs à bord de Charal. Le premier fonctionne à l’énergie fossile, il permet d’entrer et sortir du port, et d’alimenter en énergie électrique l’IMOCA 60 en navigation. Pendant la course, l’hélice du moteur est plombée.
Le second moteur, les voiles, celui qui permettra à Charal de briguer la victoire sur le Vendée Globe s’alimente uniquement de la force du vent. Et, là, l’enjeu est fondamental.

En effet, créer ce jeu de voiles fut novateur et un peu compliqué, car Jérémie Beyou et son équipe se sont lancés dans une aventure technologique formidable : la création d’un IMOCA spécialement dessiné pour naviguer sous foils. « Les premiers « foilers » (bateau à foils NDLR), explique Jérémie, avaient un dessin classique et, dessus, on a adapté des foils. Avec Charal, nos designers et notre équipe technique, nous sommes partis d’une page blanche avec une idée : concevoir un bateau pour qu’il tire le meilleur bénéfice des foils. On savait d’entrée que les efforts imposés aux voiles seraient donc différents ».

Exemple de schéma de voiles : ici le J1, voile d'avant, et la grand Voile

Exemple de schéma de voiles : ici le J1, voile d’avant, et la grand Voile (définition ci-dessous)

Faire converger les compétences

« Quand on choisit une voilerie, prolonge le skipper, on implique les maîtres-voiliers dans le dessin du bateau. On fait très vite converger les compétences choisies, pour prendre tout de suite les bonnes décisions, au sein du team, c’est Philippe Legros qui est responsable des voiles. Comment sera le bateau ? Quel est le temps fort de son programme de navigation ? Qu’attend-on en termes de performances ? Ces questions impactent le design du bateau : pour faire un bateau exceptionnel, il faut faire jouer la même partition à tous les experts : la coque, les foils et les voiles doivent être en cohérence, en harmonie ».

La Route du Rhum Destination Guadeloupe est la première course de l’IMOCA, mais l’objectif ultime est de gagner le Vendée Globe. Alors, le jeu de voiles a été dessiné en conséquence : « Il y a beaucoup de détails à régler. On dessine ce qu’on appelle un premier jeu de voiles, puis on envisage les options pour un deuxième. On détermine ensemble le type de voiles qu’on veut . Ensuite, on travaille dans le détail les surfaces, les volumes, et on choisit le matériau (cf.  exemple de schéma  des voiles). En l’occurrence, ce sera du 3DI raw*, de chez North Sails. Ce choix se fait en fonction de ce qu’on décide de faire avec : une course ? Deux courses ? Puis on détaille la finition, le nombre de lattes (glissées parallèlement à la GV, elles lui offrent rigidité et forme), leur emplacement, les renforts… » Enfin, on les teste en conditions réelles, avec la possibilité de les retailler si la performance l’exige.

Bien choisir ses voiles

Pour le Vendée Globe, et donc pour la Route du Rhum, Jérémie Beyou et ses équipes ont le droit d’embarquer, hormis la grand-voile, sept voiles d’avant dont un tourmentin, une toute petite voile de sécurité obligatoire. Il faut donc en choisir six. Pour cela, et aussi parce que rien ne vaut la vérité du terrain, des voiles complémentaires ont été dessinées : « On a identifié plusieurs options. Des classiques, d’autres un peu moins, et même quelques paris. On ne pourra pas tout embarquer pour le Rhum et le Vendée Globe, bien sûr, mais on va s’entraîner avec chacune d’entre elles pour étalonner leurs performances ».

Huit voiles, c’est peu, en réalité. C’est complexe, même, pour les skippers, qui doivent prendre en compte les conditions météorologiques habituelles, puis moduler ce choix en fonction des conditions à quelques jours du départ. A terre, dans la remorque du team, attendront donc une douzaine de voiles. Jérémie piochera dans le stock au tout dernier moment. « C’est très peu, et cela nécessite une grosse réflexion… et cela nous pousse aussi à inventer. Nous avons commandé des études spécifiques à North Sails. Des études dont nous aurons la primeur ». Ensuite, le résultat de ces études tombera dans le « pot commun » de la classe IMOCA et de North Sails.

 

Et la déco ?

La décoration, ou marquage, aussi est un travail d’équipe effectué sous le joug de la performance. Nicolas Gilles, le designer de la décoration de la coque et des voiles a œuvré sous la direction de la cellule marketing de Charal et d’un cahier des charges qui précisait que le matériau de la grand-voile, le 3DI raw, est noir. « Sa couleur d’origine n’est pas étrangère à notre choix, précise Jérémie. Cela nous permet de ne pas avoir à peindre le fond de notre décoration en rouge ou en gris : c’est du poids en moins ».

La peinture n’est pas faite avec de la peinture, mais à l’encre. C’est une des raisons qui ont poussé l’équipe Jérémie Beyou Charal à travailler avec l’Atelier sur mer d’Isabelle Vigier, qui connaît la voile sur le bout de son pinceau. « Nous travaillons avec des encres de sérigraphie qui sont adaptées au marquage des voiles, dit-elle. Ces encres ont de l’élasticité, ce qui permet à la voile de respirer et de bouger. Ainsi, le marquage ne bloque pas le tissu. Et puis c’est moins lourd : en moyenne, on appose entre 35 et 45 grammes au mètre carré ». Contre ? « Contre 110 grammes par mètre carré pour l’adhésif Route du Rhum Destination Guadeloupe qui sera apposé dans la voilure pour la course ». Un métier essentiel : c’est aussi grâce à elle que l’esthétique de Charal sera magnifiée et que le taureau argenté aura du chien.

 

 

Le lexique

La grand-voile
Souvent appelée la GV, elle n’est pourtant pas la plus grande : le spi et le gennaker ont une surface supérieure. La grand-voile est très verticale et elle court tout le long du mât. Il est possible de la réduire, quand le vent est fort. On appelle cela prendre un ris, mais on peut aussi prendre deux ou trois ris selon la dangerosité des conditions de navigation.

 

Les voiles d’avant
Schématiquement, un bateau peut soit profiter du vent, lorsqu’il vient de l’arrière ou de travers, soit lutter contre lui. On dit qu’on descend ou qu’on remonte au vent. La vérité est plus fine : le solitaire doit pouvoir s’adapter à la quasi-totalité des angles possibles, à l’exception des angles qui mettent le bateau exactement face au vent et sur environ 40-45 degrés à droite et à gauche.
Il y a donc des génois, ou focs, ou encore J (pour Jib, en anglais).
Le J1 (ou solent) est le plus grand de la famille. Il part de l’étrave et couvre presque jusqu’au mât.

Le J2 (ou trinquette) est plus petit, il part du milieu du pont. C’est la voile de base.
Le J3 (ou ORC) est encore plus petit et il part du milieu du pont avant. Il sert quand ça souffle fort, mais il peut aussi servir en même temps qu’une voile de portant, pour augmenter la surface globale.
Le tourmentin est la toute petite voile de sécurité imposée par la classe IMOCA.

Et puis il y a les voiles de portant.
Le Code 0 est un grand J1 qui permet de remonter au vent dans les petits airs et de faire du travers dans du medium.
Le grand gennaker s’arrondit et est idéal pour le vent de travers.
Le spi sert quand le vent vient de l’arrière.
Et puis il y a toutes les adaptations possibles… et les voiles secrètes dont on entend parler seulement quand elles ont bien fonctionné.

 

 

* 3Di Raw : voile composite moulée en 3D. Elle est la voile la plus légère sur le marché des voiles de compétition. La voile RAW présente un très bon rapport poids de fibres structurelles/poids total de la voile.