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02 Déc

Duo Beyou / Pratt : un podium bien mérité

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Trois jours après leur arrivée à Fort de France, Jérémie et Christopher reviennent sur leur Transat Jacques Vabre. Une course où le tandem n’a rien lâché et a su rester aux avant-postes jusqu’au bout. Dans un scénario qui échappe aux statistiques : un nuage qui fait la différence, un bateau toujours très performant, un tandem qui aime régater et se complète parfaitement, et au bout du compte, un podium largement mérité…

Au moment de débriefer, en Martinique, pendant les quelques jours de relâche avant le retour en métropole, les deux co-skippers reviennent sur les moments clefs de leur transatlantique en double. Quand la course s’est-elle jouée ? Qu’ont-ils réussi ? Sont-ils satisfaits de leur bateau et de leur collaboration ? Réponses des intéressés.

Acte 1 : Sortir indemne de la Manche et de la dorsale du golfe de Gascogne

Transat Jacques Vabre 2021. Charal 4e

Christopher Pratt : « Ça nous a mobilisé trois jours. Trois jours à haut risque pour arriver au cap Finisterre ! Certains sont restés scotchés et leur course a été anéantie dès le début. C’était hyper complexe à gérer et il fallait de la réussite. Il faut être conscient que ça se joue à pas grand-chose. Il y a bien souvent une part d’aléatoire qui fait qu’à quelque chose près, ça passe ou pas… »

Jérémie Beyou : « Il fallait limiter les risques, ne pas prendre d’option radicale pour ne pas se prendre un gros pion. Ça s’est joué à la risée près, il fallait être opportuniste et avoir beaucoup de vigilance. Certains ont pris beaucoup de retard à ce moment. Apivia nous distance de 40 milles, mais on est toujours dans le match au cap Finisterre. »

Position au passage du cap Finisterre : 4e

 

Acte 2 : En route au portant vers les Canaries

Jérémie : « Du cap Finisterre aux Canaries, c’était plus classique, dans 20 nœuds de vent, au portant, le bateau, optimisé pour ces conditions, marchait très bien. On est bien en symbiose avec Chris sur les bascules de vent. Le passage à l’intérieur des Canaries est important. Il faut choisir l’angle d’arrivée sur les îles, empanner à la limite des dévents. Cela peut aussi faire un passage à niveau. On a tiré les bons bords comme on le sentait, on a bien navigué. »

Position à la sortie des Canaries : 1er

 

Acte 3 : L’option mauritanienne, le Cap Vert

Transat Jacques Vabre 2021, le 17 Novembre 2021.

Christopher : « Ça faisait un moment qu’on avait cette route en tête. C’est ce qui nous semblait le plus intéressant par rapport aux fichiers : il y avait plus

de vent et cela correspondait à une approche plus Est du Pot-au-noir. Depuis les Canaries, on était en pleine bataille d’empannages à vue avec Apivia et LinkedOut. Ils partent sur un bord vers l’ouest. Moi, je ne comprenais pas pourquoi ils faisaient ça. Il fallait lâcher le duo. On empanne en pensant qu’on va peut-être les emmener avec nous. »

Jérémie : « On est les premiers à empanner mais on voit bientôt que les autres ne suivent pas. On se dit : « tu es sûr de toi ? oui ? oui ! » À un moment, tu fermes les yeux, et tu vas à fond dans ton option. Finalement, c’est la route intermédiaire de LinkedOut qui a payé. »

Christopher : « On s’est fait empétoler pendant deux ou trois heures le long de la zone interdite en face de la Mauritanie. Sans cela, on aurait recroisé devant. Finalement, on se retrouve à égalité. »

Position au sud du cap Vert : 2e

 

Acte 4 : Le Pot-au-noir

Jérémie : « C’est peut-être là que la course se joue : en début de Pot-au-noir. LinkedOut passe au vent d’une zone de nuages. Il arrive à accélérer. Nous, nous avons moins de vent. C’est probablement ici que la victoire nous échappe parce qu’après, on ne les a jamais revus. Ça se joue à 500 mètres près. »

Position dans le pot au noir : 2e

Acte 5 : Le reaching vers Fernando de Noronha

Christopher : « Dans ces 24 heures de reaching vers Fernando de Noronha, nous sommes allés moins vite que LinkedOut et Apivia. »

Jérémie : « Apivia et LinkedOut ont travaillé sur de nouveaux foils cette année. Notre choix a été de nous concentrer sur le travail des voiles et des étraves. Mais nous savons que sur les bords de puissance et de reaching, LinkedOut et Apivia sont plus rapides que nous. »

Position à Fernando : 3e

 

Acte 6 : Les 1000 derniers milles le long de la zone d’exclusion, entre le nord du Brésil et l’arrivée

Jérémie : « On espérait que le dernier long bord se ferait au portant avec du vent, de bonnes conditions pour nous. Mais on s’est retrouvés face à une barrière, avec des résidus de Pot-au-noir qui nous ont touchés… »

Christopher : « Pour moi, c’est le moment de bascule : LinkedOut accroche un nuage, et s’envole le long de la zone d’exclusion sur un bord au reaching alors que nous, nous nous retrouvons 10 nœuds plus lents. Typiquement, ce dernier nuage, c’est du bonus de chez bonus. Ils étaient dans une spirale dynamique positive, c’est ce qui fait la différence entre victoire et podium. Mais les écarts au finish ne reflètent pas la bagarre entre les bateaux. »

 

La course vue d’ensemble

Jérémie : « On a eu un scénario qui échappe aux statistiques. On n’a pas pris un seul ris dans la grand-voile de toute la course ! Mais toute la qualité d’un bon équipage est de pouvoir tirer parti de ce qu’il a sur le moment. Il n’y a pas grand-chose qu’on aurait fait différemment. On a des capacités d’adaptation qui nous permettent de réaliser des perfs constantes quels que soient les scénarios et les conditions météo. C’était le cas des trois bateaux qui sortaient du lot, trois bateaux constitués d’équipages issus du dériveur, des figaristes… Quand au bout du compte, tu es sur le podium, tu peux être content et te dire que tu vas continuer à bosser pour la prochaine fois. »

Christopher : « On rend une copie propre, on ne fait pas d’erreur. On navigue proche du maximum du potentiel bateau en permanence. Le bateau est nickel. Il n’y a pas énormément de choses qu’on aurait faites différemment. Au bout, ça fait une 3e place largement méritée. Je suis fier de notre prestation. »

 

Le facteur humain

Jérémie : « Je ne sais pas comment fait Chris pour me supporter (rires). Ça reste une course stressante. J’ai tendance à vivre le truc à fond. Physiquement, ce n’était pas hyper engagé. Mais en termes de pression mentale, psychologiquement, il fallait savoir résister. On a pris feu chacun notre tour, peut-être moi plus que lui… Mais on arrive à bien gérer ça. C’est une marque d’équilibre dans un couple. Physiquement, il a été présent à 100%. C’est quelqu’un sur qui tu peux te reposer. Tu peux aller au front avec lui. »